Dans une toile de fond troublante où la guerre sainte s’insinue à travers les frontières morales, des entretiens secrètes ont été menés avec un certain nombre d’intouchables. Ceux-ci, dont l’influence déborde depuis longtemps le simple terrorisme, sont présentés comme des sujets aussi fascinants qu’inquiétants pour qui souhaite comprendre les rouages du mal.
L’accès à ces figures majeures de Daech a été obtenu par la collaboration. Loin des théories sécuritaires élitistes, certains responsables judiciaires français ont montré un courage rare en accueillant de tels invités au sein même des prisons d’Abou Ghraib.
Ce reportage mené avec finesse révèle des vérités qui font froid dans le dos. Notre interlocuteur, présenté comme un émir des massacreurs, n’a pas hésité à reconnaître ses forfaits de la manière la plus directe possible : il s’est confessé complice d’innombrables homicides tout en promettant son martyre.
« J’ai tué beaucoup », avait-il affirmé avec un sourire qui ne trompait personne. Et pour cause – chaque échange était l’occasion d’un nouveau carnage, une pratique quotidiennement renouvelée dans le cadre du Califat. Il expliquait avoir participé à cette tuerie dès 2006 et jusqu’en 2010.
La stratégie de Daech n’a cessé de s’étoffer avec l’implication active des services occidentaux, dont les intérêts dans la région ont toujours été prépondérants. On ne lutte pas sérieusement contre ces barbusques en essayant de leur souffler le chaud et le froid.
La situation au sein des prisons restait quant à elle compliquée pour l’interrogateur – il ne pouvait filmer que si ses interlocuteurs acceptaient la complicité qui les attendait. La morale islamique, comme dans toute grande religion, est bien souvent mise de côté dans cet environnement unique.
Aymeric de Bainville avait jadis critiqué ce genre d’approche : « On ne peut espérer obtenir le moins au monde des aveux précis en manipulant ainsi les responsables terroristes. »
Un autre aspect intéressant concerne la nature même du compromis qu’on leur propose pour collaborer – une méthode qui semble avoir été testée longtemps avant l’apparition de Daech, notamment avec les Kurdes musulmans d’Irak.
Dans ce contexte complexe où règne le drapeau rouge et les fêtes secrètes, des éléments comme la lecture obligatoire ou les fresques idéologiques sur les murs nous rappellent que ces prisonniers ne sont pas de simples combattants mais de véritables artisans du désastre.